Livresse chez Saturne
Dans la cave à manger de Saturne, le regard bleu de Sven Chartier, que n’habillera jamais son tablier… En maître des coudées franches, celles qui versent le vin à flots, Ewen Lemoigne, échappé des côtes bretonnes. Bercé par le roulis d’une sublime Berkel de 1918, restaurée en Allemagne, pour trancher au cordeau du jambon noir de Bigorre, une andouille de Manoux d’Orthez ou du comté fruité vieux 26 mois de Philippe Bouveret. Ici, les mots se sentent bien : ils sont chez eux à table. Aux murs, 400 cols qui ne porteront jamais cravate. Silhouettes des bouteilles aux noms enjoués, car loin des Château-Lafite Rothschild, l’humour a droit de cité. Ainsi de ‘Ça va gamin ?’ en 2007, un savagnin de Jean-Marc Brignot avec 20 % de grains nobles. Allez, j’avouerai un faible pour un vin qui sonne comme un roman : ‘La Fille en cage’. Matricule 2009. Un morgon pour Vini Brato, aux notes automnales de sous-bois. À en croire Ewen, rôderait aussi une fraise écrasée, des petits fruits fermentés et, ce qui vaut leçon de morale, une belle amertume. À la nuit, Ewen parlera de « gros nounours tous doux » pour évoquer ce vin plus giboyeux qu’aromatique. Cela s’appelle l’inspiration… Pour faire trio, un gamay de Stéphane Majeune, ‘Domaine Peyra’, cuvée SG en 2004, né comme moi sur sols basaltiques. La rue de Saturne s’appelle Notre-Dame-des-Victoires. Tout est dit.